Élève “dans sa bulle” esquissant des végétaux au cœur des Grandes serres du MNHN à Paris.
L’apprentissage... par la lenteur
La pratique du dessin botanique invite, à mon sens, à bien plus que des apprentissages techniques, elle peut s'assimiler à un certain art de vivre. Par la discipline et la concentration qu’elle exige, cette activité artistique nous reconnecte à notre rapport au temps, à une époque où tout va à cent à l’heure. Dessiner impose de “mettre sur pause” notre rythme de vie effréné et de nous accorder du temps en nous détachant de notre quotidien impérieux. Nos esprits contemporains surchargés se libèrent alors, le temps de cette bulle créative, quasi méditative et propice au bien-être. L’apprentissage par la lenteur, propre à cet art, réveille notre capacité à nous émerveiller et à nous reconnecter à la beauté et à l’essentiel. Dessiner se rappelle alors à nous comme un cheminement dans lequel les satisfactions et plaisirs se vivent dans l’apprentissage plus que dans le but atteint. Je suis persuadée que la pratique artistique, au sens général, a la capacité d’insuffler en nous une manière renouvelée d’être au monde et à notre propre vie.
Un doux moment de ressourcement dans les bras rassurant d’un pin au grand âge à Saint-Brieuc.
Un art pour redéfinir son lien à la nature
Le dessin botanique ne nous invite-t-il pas à renouer ce lien avec la nature ? A des réflexions et à des enjeux plus poussés qu’exclusivement d’ordre naturaliste ou technique ? Le monde végétal a toujours fasciné. L’actualité de notre époque, avec la disparition dramatique, sous nos yeux, de la faune et de la flore, interpelle nos consciences. Beaucoup estiment essentiel de redéfinir notre regard et nos actions vis-à-vis de la nature. Il me semble tout autant fondamental de questionner, d’investir, de cultiver notre liberté et notre créativité dans notre relation à la nature, bien au-delà des culpabilités.
Aujourd’hui, toutes sortes d’approches sont présentées et proposées à ceux qui veulent se reconnecter à la nature. Il est heureux que l’illustration botanique s’inscrive dans ces approches. Si sa vocation première est d’inventorier et de mieux connaître scientifiquement l’incroyable profusion végétale qui existe sur notre planète, cette pratique est désormais ouverte à tous et prend ainsi une dimension particulière : chacun peut se reconnecter au monde végétal non plus en tant que consommateur mais en tant que protecteur, en apprenant à voir et à révéler sa beauté. Contempler la nature dans un tête-à-tête si intime, se discipliner librement, s’exercer à témoigner de sa beauté et ne jamais cesser de découvrir sa grandeur et ses mystères, c’est l’aimer ! C’est aussi participer à la révéler et alors, d’une certaine manière, à la protéger.
Élève en pleine étude approfondie de sa plante dans les serres tropicales du CBN de Brest.
Un art qui relie Science, Philosophie et Art
Si je devais définir l'illustration botanique, je dirais que c’est l’art de diffuser des connaissances scientifiques à travers l'exigence et la justesse du trait, par l’émerveillement et la contemplation face à la beauté révélée. Une pratique où science, philosophie et art se mêlent donc avec délicatesse et profondeur, offrant ainsi un formidable miroir pour nous relier à nous-mêmes. En effet, les images naturalistes, fenêtres ouvertes sur le monde vivant, nous invitent à nous questionner sur la vie et sur la sagesse à l'œuvre dans le vivant, à chercher à comprendre la beauté qui nous émerveille et à pouvoir ainsi nous positionner vis-à-vis d’elle. Et pourquoi pas, à nous inviter à reconsidérer notre société, nos choix et à envisager un futur plus… végétal !
Sophie Graverand
Extrait de l’avant-propos in
“Le dessin botanique de A à Z
Observer, s'entraîner, dessiner, mettre en couleur”
Sophie Graverand - Editions Terre Vivante